Hydrolyse enzymatique : un lien élucidé entre les échelles micro- et nano-métriques

Hydrolyse enzymatique : un lien élucidé entre les échelles micro- et nano-métriques

Le contexte actuel, marqué par le dérèglement climatique et l’épuisement des ressources fossiles, rend impérative la recherche de solutions énergétiques durables. La biomasse lignocellulosique, constituée par les parties non alimentaires des plantes et par les résidus de l’industrie du bois, est diverse dans ses origines et surtout renouvelable : elle apparaît comme une alternative pertinente au carbone fossile. Cependant, sa complexité chimique et structurale rend sa transformation par voie biotechnologique en produits d’intérêt couteuse : c’est pour cela qu’on la qualifie de matière première récalcitrante. Il est donc primordial de développer des stratégies innovantes pour la déconstruire efficacement. Bien que de nombreux travaux de recherche ait identifié des facteurs de la récalcitrance à l’échelle nanométrique, tels que la teneur en lignine et la cristallinité de la cellulose, l’étude de la récalcitrance à l'échelle des cellules et des tissus végétaux reste peu explorée.

Dans cette étude, nous avons surmonté les défis expérimentaux et mathématiques liés à la segmentation et au suivi de la déconstruction des parois des cellules végétales en développant une méthode d'imagerie 4D (espace + temps). Celle-ci est basée sur l’imagerie par microscopie confocale de fluorescence combinée à un traitement automatisé des images 4D pour identifier, suivre et quantifier l’évolution de la morphologie des cellules individuelles. Grâce à cette approche, qui surmonte les limitations des méthodes classiques sujettes aux biais et aux erreurs de délimitation des cellules, nous avons été capables d’acquérir des images 3D d’échantillons de bois de peuplier (choisi comme espèce modèle) au cours de leur transformation par hydrolyse enzymatique.

Au-delà de ce développement technique conséquent, notre étude a conduit à plusieurs résultats et découvertes majeurs. Tout d’abord, la déconstruction enzymatique à l’échelle cellulaire entraîne principalement une réduction du volume des parois cellulaires, plutôt que des modifications de la surface ou de la surface accessible. De plus, la compacité 3D des parois cellulaires avant hydrolyse est corrélée à la déconstruction volumétrique, cette corrélation étant modulée par l’activité enzymatique. Enfin, nous avons établi une corrélation positive entre la déconstruction volumétrique des parois cellulaires et la conversion de la cellulose, reliant ainsi pour la première fois des mécanismes aux échelles nano- et micro-métriques.

L’établissement de cette relation quantitative entre les échelles souligne l’impact et l’importance d’étudier la déconstruction enzymatique à l’échelle des cellules et des tissus, ouvrant la voie à de futures études sur la déconstruction des parois cellulaires végétales à ces échelles spécifiques. Compte tenu des avancées méthodologiques et des implications pour la recherche sur les mécanismes sous-jacents de la déconstruction enzymatique de la biomasse lignocellulosique, nous pensons que notre travail suscitera un intérêt généralisé dans des domaines tels que la biotechnologie végétale, la biochimie enzymatique et la biotechnologie computationnelle.

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Lire : Refahi Y, Zoghlami A, Viné T, Terryn C, Paës G (2024) Plant cell wall enzymatic deconstruction: Bridging the gap between micro and nano scales. Bioresource Technol. 414, 131551. https://doi.org/10.1016/j.biortech.2024.131551

Contacts : Dr Yassin Refahi, yassin.refahi@inrae.fr & Dr Gabriel Paës, gabriel.paes@inrae.fr